Cet article traite de la relation entre la peur, le fascisme et la liberté. Star Wars. Les progressions du fascisme à Madrid et en France. Poème de Miguel Hernandez.
Cela fait plusieurs jours que j’ai cessé de parcourir les délicieux chemins de la liberté que nous cultivons dans ces pages. Oui, je sais, il est plus facile de marcher dans l’ennui en ces temps de maladie, il est facile de ne plus s’étonner de la chaleur du soleil, des fleurs qui poussent impassibles parce qu’elles savent que la neige ne durera qu’un jour de plus et de se concentrer uniquement sur la peur, sur la maladie qui marche et qui semble croître alimentée par tant de souches, par tant de cas, par tant de morts. Nous vivons dans la peur et la peur grandit en nous, nous la cultivons et elle fait que notre attention et nos sentiments se concentrent sur les ombres. La liberté, en revanche, est une promesse qui renvoie notre regard à ce qui est important, à la couleur des fleurs, au sourire du promeneur qui croise notre chemin, à son regard, au rouge des couchers de soleil printaniers qui annoncent l’abondance de l’été.
Ce week-end, en regardant Star Wars avec mon fils, j’ai réentendu les paroles de Maître Yoda au jeune Anakin Skywalker avant qu’il ne se tourne vers le côté obscur : “La peur est le chemin vers le côté obscur, la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance, la souffrance mène au côté obscur”. Je trouve ces mots si sages, si simples et si vrais en ces temps sombres où le fondamentalisme grandit dans l’ombre. Dans les temps d’où est née, avant la maladie, cette méduse à cent têtes que nous appelons fascisme et dont nous avons nourri les serpents pour qu’ils grandissent avec les noms de Trump, de Bolsonaro, de Mori, de Duterte sur toute la longueur et la largeur de ce monde. Les peurs ont été renforcées et alimentées par les fakes news, par les chaînes WhatsApp et Facebook, se transformant en colère, en haine alimentée par l’ignorance de fausses phrases qui, répétées mille fois, semblent avoir pris le statut de vérité, faisant disparaître le dialogue et éveillant la croyance aveugle dans le tyran.
Les nouvelles en provenance de Madrid nous surprennent encore. Un parti d’extrême droite (Vox) qui a fait campagne avec des fake news, des menaces et même des balles. Un parti qui traite les migrants comme des criminels, s’est associé à un autre parti qui a nourri dans l’ombre sa complaisance avec ces méthodes, le Parti Populaire. Le fascisme semble être revenu dans de nouveaux habits dans une Espagne qui n’a jamais complètement oublié le régime de Franco. En France, le pays des libertés, de la république, il semble que la recette de Madrid se répétera lors des élections présidentielles avec des intentions de vote de plus en plus favorables au parti de Marie Le Pen. L’histoire semble condamnée à se répéter et, une fois de plus, nous invoquons les fantômes du passé fasciste pour conjurer des peurs qui ne sont même pas fondées. Le fascisme fait resurgir toutes ces peurs artificielles et les transformera en cauchemars.
Je crois que c’est précisément la peur qui est l’ennemi naturel de la liberté, la peur qui nous sépare, qui nous empêche de faire confiance, qui nous empêche de parler à l’autre et de le voir dans sa dimension réelle, dans sa possibilité d’émancipation. Cette pandémie semble nous éloigner encore plus de ceux qui sont « différents », et nous met face à nos préjugés, aux préjugés de nos institutions (racisme structurel), à nos propres peurs, mais nous devons nous rappeler que la liberté est avant tout un espoir qui colore notre regard de couleurs différents, c’est une promesse d’avenir qui se réalise dans l’autre, c’est une promesse de changement.
J’ai pris la liberté de traduire un beau poème sur la liberté comme élément de renouvellement du regard et de l’âme. Miguel Hernández a écrit ce beau poème au milieu de la guerre contre le fascisme que menaient les républicains espagnols, au milieu de la maladie causée par les blessures des combats contre Franco. Avec le chant de la liberté, la peur semble s’atténuer et laisser place à l’espoir. La seule façon de faire disparaître les ombres est de les mettre en face de la lumière, de la poésie, de la vie.
Pour la liberté, je saigne, je lutte et je vis. Pour la liberté, mes yeux et mes mains, comme un arbre charnier, généreux et captif, Je donne aux chirurgiens. Pour la liberté, je ressens plus de cœurs que des sables dans ma poitrine. Mes veines débordent d'écume et j'entre dans les hôpitaux et j'entre dans les cotons comme dans les lys. Parce que là où apparaissent quelques orbites vides, elle mettra deux pierres de regard futur et elle fera pousser de nouveaux bras et de nouvelles jambes. dans la chair arrachée. Ils germeront ailés de sève sans automne, des reliques de mon corps que je perds à chaque blessure. Parce que je suis comme l'arbre abattu, qui surgeonne, j'ai encore de la vie.