Un jeu vidéo pour sauver ou détruire le monde

Par Beatrix Potter

Sera traité dans cet article : jeux vidéos, nature humaine, entrecroisement entre la paix et la violence & histoire des mouvements sociaux

Nous sommes à table, en famille, savourant en silence le poulet fumé préparé avec soin par mon frère – qui habite avec nous et qui remplit savamment le rôle de chef cuisinier. La cacophonie ambiante si familière à notre foyer laisse place au silence lorsque nous goûtons à ses repas. Je brise le silence avec une idée saugrenue, qui sera suivie d’un vif débat.

« Et s’il existait un jeu vidéo avec un monde post-apocalyptique, où le but ultime serait de créer une ville la plus écoénergétique possible? »

Survient alors des pouffements de rires des mâles qui m’entourent, c’est-à-dire mon conjoint, mon frère et mes garçons.

« Personne ne jouerait à ton jeu vidéo! » tranche avec conviction mon frère.

« Pourquoi? De mon côté j’aimerais jouer à un pareil jeu! Pourquoi que ça serait pas populaire un jeu éducatif qui développe la conscience sociale? »

Cette fois-ci, les pouffements de rires sont remplacés par une hilarité générale. Je commence à être agacée. Mon frère tente de m’expliquer que je ne rejoindrais pas les profils typiques des joueurs de jeux vidéo. Si un combat ou de la violence n’est pas impliquée, ce sera voué à l’échec. Je tente donc de me reprendre.

« D’accord, d’accord… Alors imaginons un jeu en ligne interactif où les joueurs décident, toujours dans un monde post-apocalyptique, s’ils sont dans le camp des bâtisseurs d’une ville éco-responsable, basée sur une gouvernementalité partagée entre les citoyens et une redistribution des richesses… Ou sinon faire partie d’un clan nomade, armé et qui tente d’envahir la ville. La fin du jeu serait déterminée par les capacités diplomatiques afin d’éviter une guerre et… »

L’effervescence de mes idées est arrêtée net par mon frère, qui tente encore une fois de me ramener à la réalité de l’univers virtuel des jeux vidéos.

« Autrement dit, si je te suis, tu donnes le choix aux joueurs de se ranger du côté de ceux qui ont des armes, ou ceux qui souhaitent emprunter la voie diplomatique… »

« Oui, exact! »

« Le résultat conséquent sera qu’il n’y aura aucun joueur dans le camp sans arme… » ajoute mon frère.

Mon conjoint renchérit en déformant totalement l’essence initiale de mon jeu :

« Imaginez plutôt un jeu en ligne où les joueurs pourraient faire ce qu’ils veulent. Violer, piller, tuer… Sans évidemment se faire remarquer par les autres… Bref, un jeu où chacun pourrait faire ressortir sa véritable nature! »

STOP… On arrête tout! Ce n’est pas ma conception de la « véritable nature » humaine! En l’espace de quelques minutes de discussion, on est passé d’un jeu où le meilleur de l’humanité peut s’exprimer, à un jeu où jailli ses côtés triviaux les plus sordides.  

Je n’abandonne pas notre joute verbale, déterminée à les convaincre qu’un jeu empruntant une voie pacifiste peut être attrayant :

« Ok… Nouvelle idée… Pour éviter une troisième guerre mondiale avec une menace du recours au nucléaire, le joueur est un leader d’un mouvement social planétaire visant à renverser des gouvernements… Le tout dans une lutte révolutionnaire qui doit éviter à tout prix le recours à la violence, mais plutôt opter pour des stratégies diverses comme… »

Je me fais encore une fois couper dans mon enthousiasme par mon frère :

« Le début était prometteur jusqu’à ce que tu arrives avec la partie intellectuelle… Je me rappelle d’un jeu qui était profondément philosophique et réfléchi sur l’intelligence artificielle. Il n’a pas connu de succès, parce que les vidéos explicatifs étaient trop longs, malgré qu’ils étaient graphiquement magnifiques. Ce que tu proposes nécessiteraient de longues mises en situation qui risqueraient d’ennuyer les joueurs ».

Mon fils aîné a donné le coup de grâce, celui qui m’a mise en échec et math :

« Je jouerais à ton jeu, maman, si le mouvement social dont tu parles possèderait des armes pour défaire les gouvernements! »

Cette discussion m’a fait reculer un peu dans le temps. Montréal-Nord, 2008, Fredy Villanueva, 18 ans, décède alors qu’il jouait aux dés dans un parc par des balles des forces policières. Des jeunes, pour la plupart racisés, se révoltent dans les rues, applaudis par les résidents. Le Québec n’est pas un cas isolé. La colère sociale se manifeste un peu partout sur la planète contre les institutions qui ne défendent pas les intérêts des chômeurs, des étudiants, des sans-papiers, des migrants, bref, des « exclus ». Songeons aux émeutes de Cincinnati (2001), de la Kabylie (2001), de Benton Harbor (2003), de Cronulla (2005), de Pékin, Hong Kong et Chengdu (2005), des banlieues françaises (2005), de Bruxelles (2006), ou les émeutes de Minneapolis survenues en 2020 après le meurtre de George Floyd par un officier de la police…

Les institutions sont supposées permettre aux citoyens de prendre part au débat public, ou encore, de représenter les intérêts de ces-derniers. Or, les partis de gauches, les syndicats ou les médias peinent désormais à remplir ces rôles. Si les syndicats représentaient vaillamment les intérêts des ouvriers face à l’élite au début du 20ème siècle, ils semblent moins combatifs en ce 21ème siècle. Les partis de gauches se sont également éloignés des classes moins nanties. Enfin, les médias se préoccupent peu de la diversité médiatique au dépend des informations sensationnalistes.

Peut-on reprocher aux révoltés de s’approprier les rues et de tenter d’être pour une seule fois entendus quant à leurs besoins de justice sociale, n’ayant plus confiance ni aux forces de l’ordre, aux médias ou les autorités publiques. N’est-ce pas leur unique issue?

Emprisonné, Vaclav Havel, un meneur contre le gouvernement communiste tchèque, écrit en 1978 un essai, « Le Pouvoir des sans-pouvoir », dans lequel il dénonce les mécanismes de l’État qui réduisent les influences des citoyens ordinaires sur leur existence. Ces mécanismes aboutiraient à la résignation et à la démission morale, stérilisant les dynamiques sociales. À travers son parcours ou son essai, Havel se fait pourtant un fervent défenseur des résistances non violentes.

Des manifestations pacifistes ont souvent pris forme en parallèles aux révoltes plus musclées. Pour prendre des exemples récents, les manifestations pacifistes en lien avec le mouvement Black life matters, ou encore, les centaines de personnes qui se sont présentées à la colline parlementaire pour dénoncer le racisme systémique ayant mené à la mort de la femme Atikamekw Joyce Echaquan au Québec.

La non-violence a été popularisée dès 1921 par Gandhi en Inde, par la notion d’ahiṃsā (« négation à la violence »), un des fondements de l’hindouisme et du bouddhisme. La  résistance passive peut recourir à diverses formes afin d’atteindre des visées socio-politiques; cela au moyen de protestations symboliques, de non-coopération économique ou politique, de désobéissance civile, l’art protestataire ou d’autres méthodes.

Plusieurs personnages historiques ont d’ailleurs eu recours à des formes de résistances non-violentes. Pour en nommer un notoire, songeons à Martin Luther King pour la lutte des Noirs américains contre la ségrégation. Ou encore, songeons à Adolfo Pérez Esquivel, aujourd’hui âgé de 90 ans, qui fut un artiste argentin engagé et nommé en Colombie en 1975 le coordinateur général pour l’Amérique latine de tous les groupes et mouvements qui travaillent pour la libération par des moyens non-violents, cela afin d’organiser des actions et des politiques communes face aux oppressions et aux dictatures.

Plusieurs femmes héroïques ont recourues à des formes pacifistes de résistance pour changer le monde. Sans surprise, ces femmes demeurent invisibles, non connues. Je me rappellerai à jamais l’histoire entendue lors d’une conférence de cette surprenante enseignante, qui avait refusée d’être délocalisée de son village tel qu’exigé par son gouvernement en vue de construire un complexe industriel. L’armée était en route pour éteindre son étincelle de rébellion. Solidaires à son refus de partir, des villageois s’étaient dressés entre l’armée et la résidence de cette femme qui leur tenait tête, refusant le sort fatal que lui réservait les soldats. Cette foule de villageois chantait, attendant possiblement leur propre mort, mais fermement résolus à ne pas abandonner l’enseignante et la cause qu’elle portait. Devant ce spectacle touchant, les mercenaires ont rebroussé chemin. Le village et ses habitants furent ainsi épargnés.

Cette histoire me donne des frissons dans le dos, m’insuffle un sentiment d’élévation de l’âme. Au final, qui est le plus courageux? Celui qui se défend contre la violence par les armes, ou celui qui se présente, mains nues devant son adversaire? Cette deuxième voie est-elle folie, ou plutôt grande sagesse morale?

Peut-être qu’un jeu vidéo virtuel ne favorise pas les voies pacifistes pour « sauver le monde », mais lorsque de vraies vies humaines sont en jeu, j’espère que l’on priorisera l’option pacifiste dans le menu déroulant des possibilités.

Voici ce que je veux dire

« Voici ce que je veux dire. On ne vit pas dans un espace neutre et blanc ; on ne vit pas, on ne meurt pas, on n’aime pas dans le rectangle d’une feuille de papier. … il y en (des lieux) a qui sont absolument différents : des lieux qui s’opposent à tous les autres, qui sont destinés en quelque sorte à les effacer, à les neutraliser ou à les purifier. Ce sont en quelque sorte des contre-espaces. Ces contre-espaces, ces utopies localisées, les enfants les connaissent parfaitement. Bien sûr, c’est le fond du jardin, bien sûr, c’est le grenier, ou mieux encore la tente d’Indiens dressée au milieu du grenier, ou encore, c’est – le jeudi après-midi – le grand lit des parents. C’est sur ce grand lit qu’on découvre l’océan, puisqu’on peut y nager entre les couvertures ; et puis ce grand lit, c’est aussi le ciel, puisqu’on peut bondir sur les ressorts ; c’est la forêt, puisqu’on s’y cache ; c’est la nuit, puisqu’on y devient fantôme entre les draps ; c’est le plaisir, enfin, puisque, à la rentrée des parents, on va être puni. » (Foucault, 1996).

Beatrix nous a déjà raconté, dans le bel et profond essai avec lequel elle a ouvert ce Blog, la difficile relation conceptuelle entre territoire et liberté. Ne pouvant ni ne voulant entrer dans les profondeurs de ce débat où je pourrais mourir par noyade, ne sachant pas nager entre les concepts et les idées, je préfère essayer de communiquer à toi, cher lecteur, et à toi, très chère Beatrix, peut-être la seule lectrice de ce texte, mon idée sur les espaces et les territoires de liberté que nous inaugurons dans ce ” contre-espace ” virtuel.  Je suis convaincu que nous avons commencé notre échange avec beaucoup de respect pour le titre de cette page car, en réalité, chacun a sa propre idée de ce que signifient cette liberté et ces territoires et se les approprie différemment. 

Mon idée est quelque peu singulière, dans la mesure où je ne connais pas, par simple ignorance et par manque de temps et de lecture, je dois l’avouer, un autre inconscient comme moi qui a pensé de la même façon. Ainsi, cette page est si libre, que chacun peut partir de ce qu’il veut et que tout ce qui est écrit peut-être correct, quelque chose comme la post-vérité ou les déclarations de Trump qui sur papier ont peut-être un sens, mais qui traduites dans la réalité ne peuvent pas vivre sans laisser leur trace de haine et d’intolérance. Des idées qui semblent vraies sur le Twitter, mais qui dans la réalité ne sont révélées que sous forme de cauchemars. Dans notre cas, ces vérités se révèlent, tout au contraire, comme des rêves placides qui tentent de nous éveiller de la réalité qui ressemble de plus en plus à un cauchemar. Ce monde virtuel ne semble pas être, comme dans le monde réel, conditionné par la limite de la liberté de l’autre d’exercer sa propre pensée. Je veux mieux m’expliquer et pouvoir, en m’expliquant, me comprendre un peu plus pour voir où cette liberté me mène, pour l’instant je ne le sais pas encore.

L’espace est cet extérieur incommensurable, ce qui, lorsque nous ouvrons les yeux, pénètre par le nerf optique, cette distance entre ce que nous voyons et nous-mêmes, cet espace que notre nature humaine nuisible veut nous faire posséder. Au moment où nous assignons des barrières, nous installons des grilles, et nous nous approprions, ou plutôt prétendons nous approprier, symboliquement ou physiquement, un espace, nous le transformons en territoire. Ainsi, le territoire serait en quelque sorte, l’espace approprié. Nous nous approprions alors notre propre parcelle de cet espace virtuel. 

J’ai cité au début cette belle et complexe élucubration de Foucault qui illustre cela. Pour moi en suivant sa pensée, ce blog est cette utopie autre, cette utopie localisée, sur un serveur bien sûr, ce lieu qui s’oppose aux autres et qui tente d’une certaine manière de les neutraliser, de les effacer, de les purifier. C’est ce lieu agréable où la réalité devient imagination et perd ensuite, avec ce jeu, sa qualité de menace. Le territoire que nous commençons à nous approprier est en effet le territoire de nos propres mots, de nos histoires qui se rassemblent et se voient attribuer un contenu, ces mots qui errent déjà sans but et ne nous appartiennent pas plus parce qu’ils sont censés être en liberté dans cet espace numérique.

La liberté, nous la définirons par opposition, c’est tout ce qui n’est pas esclave, tout ce qui n’a pas de restriction, tout ce qui se promène librement dans nos têtes et nos cœurs. Je crois que ces territoires sont libres, au pluriel, dans la mesure où ils sont nombreux, sont le contraire de la restriction, de la réalité. Dans ces territoires, il nous est possible de voler si nous ne voulons pas être liés à cette terre, à cette gravité. Dans ce territoire, qui est simplement symbolique (il faut le prévenir) et qui est constitué du rectangle d’une feuille de papier, d’un écran, il nous est possible d’être ce que nous ne sommes pas, de parler de la manière dont nous ne le faisons pas, il nous est possible d’écrire des histoires sur les célébrations massives en temps de quarantaine, il nous est possible de parler d’un monde dans lequel le changement climatique est en recul et dans lequel les totalitarismes sont la mémoire d’un passé très lointain.  Je pense que ce sera notre défi, chère Beatrix, ou du moins le mien, car tu peux décider en toute liberté de ce que tu penses être le mieux et je viendrai te rendre visite avec mes mots dans tes mots puisque, à cause de la pandémie, nous ne pouvons plus nous voir.

Liberté et territoires, deux notions à faire dialoguer avec un peu de philosophie

Par Beatrix Potter

Sera traité dans cet article: l’esprit libre sans limite, les limites à la liberté solidaire & la conscience et l’équité pour des territoires plus libres

Peut-on être libre sans aucune limite? Ou peut-on envisager un territoire sans envisager des frontières qui le délimitent? Ces questions me sont apparues étrangement durant les fêtes, alors que j’écoutais le film Dounia avec mon plus fils cadet. Ce film sublime illustre le courage avec lequel une famille fuit la guerre civile et prend la route des migrants dans l’espoir de dénicher une terre où ils pourront vivre en toute sécurité. Empreint de sagesse, un passage a attiré mon attention. Un personnage explique que l’humain fut intemporellement tiraillé entre sa soif de découverte et son besoin d’enracinement. Les sages auraient finalement réalisé que la véritable liberté s’acquiert en ayant développé ses racines.

Cette manière d’envisager l’interrelation entre la liberté et le territoire me fait songer à la réflexion que m’avait partagée jadis une amie, qui pour remédier à ses anxiétés liées aux voyages, avait pris la ferme décision de « se sentir chez elle peu importe son emplacement dans le monde ».

La principale assise à la liberté ou à la possibilité d’habiter un territoire résiderait donc au sentiment de sécurité. Des conditions d’existence extrêmement difficiles dans plusieurs endroits du globe mettent à mal la liberté d’être soi, la liberté de se mouvoir ou la liberté de s’exprimer sécuritairement.

Pensons à Nelson Mandela, qui fut un exemple extraordinaire de dévouement pour son pays, refusant la liberté pour demeurer en cohérence avec ses valeurs d’égalité raciale. Il fut emprisonné 27 années pour ses idées. Il pardonna ensuite à celui qui l’avait jeté en prison afin d’entamer des négociations avec le gouvernement au pouvoir et ainsi éviter une guerre civile à la République d’Afrique du Sud.

Au final, Nelson Mandela n’a peut-être jamais cessé d’être libre d’esprit par l’entremise de son imagination. Il n’a cessé d’imaginer un pays plus lumineux à travers son vivant. C’est grâce à l’imagination que même un prisonnier peut s’évader en pensée dans des territoires plus libres.

Kant disait d’ailleurs que l’imagination est l’instance où l’homme peut transgresser ses limites. Ou encore, pour citer le philosophe français Jean-Jacques Wunenburger : « l’imagination représente ce par quoi l’homme fait l’expérience de l’autre, de l’ailleurs, de l’illimité et en fin de compte, du sacré. ».

La conscience est également un ingrédient actif favorisant l’ébullition d’un esprit libre en philosophie. Baruch Spinoza, philosophe néerlandais du XVII ème siècle, nous indique que les hommes se croient libres parce qu’ils sont conscients de leurs désirs, mais en réalité ils ne le sont pas s’ils ignorent les causes qui les déterminent.

La pleine conscience de ce qui se passe en nous et autour de nous engendrerait une myriade de possibilités afin de se sentir plus libre et enlignée sur sa profondeur d’être, plutôt que de se sentir coincé et balloté dans une existence subie :

  • Se libérer des lourdeurs émotionnelles du passé,
  • Se sentir pleinement vivant en profitant de l’instant présent,
  • Admirer d’avantage la beauté,
  • Ne pas ruminer nos jugements ou nos inquiétudes,
  • Se libérer des caprices de notre ego,
  • Mieux se connaître et ainsi faire des choix en cohérence avec nos valeurs,
  • Une plus grande ouverture aux opportunités,
  • Acquérir la paix d’esprit, la sérénité,
  • Répondre avec conscience aux événements plutôt que d’y réagir.

Encore faut-il développer le réflexe de s’arrêter et d’observer afin d’atteindre cette conscience. Le capitalisme et sa course incessante à la productivité nous mène souvent ressentir de la culpabilité en prenant du temps pour soi ou à ne rien faire. Nous sommes devenus en quelque sorte conditionnés, pris dans des comportements devenus automatiques, sans nous questionner nécessairement sur le pourquoi.

« Je pense, donc je suis » a judicieusement énoncé Descartes au XVII ème siècle.

Pourquoi voulons-nous plus d’argent? Pourquoi voulons-nous plus de temps? Quel est l’essentiel de notre bonheur et nos actions quotidiennes permettent-elles de l’atteindre? Sommes-nous capables de remises en question, d’introspection et d’accueillir ce qui diffère, la nouveauté ou d’autres possibles?

Je crois sincèrement qu’il existe des liens solides entre les notions de territoires, de liberté, de conscience, de solidarité et d’équité. Un célèbre dicton va dans ce sens : « La liberté des uns s’arrête là où celle des autres commence ». Peut-on vivre librement sur Terre alors que les inégalité sociales nous éloignent les uns des autres et renforcent notre replis sur soi?

En guise d’exemple illustratif, à l’aube d’une catastrophe écologique planétaire sans précédent, l’éveil des consciences et la solidarité entre toutes les nations ne furent jamais autant nécessaires. La conscience suit généralement ce chemin : l’observation, l’acceptation et l’ouverture aux changements. Accepter l’inévitable crise qui bouleversera nos manières de vivre ensemble consiste en la première étape. Ensuite viendra des initiatives ayant pour visées un mieux savoir-être et savoir-faire dans un dessin de mieux savoir-vivre ensemble.

L’individualisme cherche à accaparer toutes les libertés ou les ressources pour lui-même, n’ayant cure d’autrui. La solidarité et l’équité offrent des conditions où chaque humain peut aspirer à la meilleure version de lui-même, à une vie plus morale.

John Stuart Mill, philosophe et économiste, a réfléchi à la dualité entre l’individualité et la collectivité dans son essai « De la liberté » en 1859. Il y est question d’un juste équilibre entre les libertés individuelles et le cadre que doit imposer l’État afin de protéger les droits de propriété et favoriser la redistribution des richesses.

Bref, le territoire auquel nous appartenons, nous devons en prendre soin. Pris au sens large, le territoire commence par notre maison, puis notre communauté, s’étend à notre nation, jusqu’à notre planète. Nos libertés et notre niveau de bohneur dépendent ainsi grandement de ceux des autres, irrémédiablement liés. Les pays offrant une meilleure redistribution des richesse affichent sans surprise des indices de bonheur plus élevés que les pays connaissant un accroissement des inégalités sociales.

Vous vous rappelez de ma question initiale : Peut-on être libre sans aucune limite? Ultimement, je répondrais que l’esprit libre n’a aucune limite et ne doit pas être borné par ce qu’il connaît déjà. L’esprit conscient se libère des conditionnements qu’on souhaite lui imposer et cherche à les changer ou les contourner. L’esprit conscient et solidaire s’impose des limites afin que tous puissent jouir des mêmes libertés que les siennes. Discipline, compassion et sens de la responsabilité collective sont probablement les bases de la solidarité.

Ma deuxième question : Peut-on envisager un territoire sans envisager des frontières qui le délimitent? Dans ma vision utopiste d’une humanité plus libre et solidaire, il n’existerait plus de frontières géographiques. Les différences culturelles seraient valorisées et ainsi estimées comme toutes légitimes d’exister avec une redistribution équitable des ressources.

En sommes, ce que je défends, c’est que tous les territoires soient libres! Si, tel le disait Spinoza, « notre capacité d’agir dépend de notre capacité d’être affecté par le monde » et bien je nous souhaite de plus en plus de conscience sur comment les privilèges de certains groupes en défavorisent d’autres. Je nous souhaite d’avantage d’amour pour nos prochains indépendamment de leur couleur de peau, de leur appartenance culturelle, de leur classe sociale, de leur genre, ou de leur âge.

Dans mon élan révolutionnaire, je vous laisse avec ces citations inspirantes qui nous permettrons dans ces visées de nous unir avec d’autres pour réaliser ce que seul serait irréalisable.

« Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer le monde. C’est d’ailleurs de cette façon que cela s’est toujours produit ». Margaret Mead

« Vous nous disiez peut-être trop rêveurs, mais nous ne sommes pas seuls. Nous espérons qu’un jour vous vous joindrez à nous et le monde ne sera qu’un grand tout unifié et solidaire ». John Lennon.